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Confesse Book

134 – Jouons en juin

J’ai reçu quelques courriels un peu désenchantés émanant d’esprits chagrins qui reprochaient aux artistes de ne pas prendre parti pendant les événements du mois de Mai, (mois du « non, mais … »). Je passe sur le fait que je pense que ces mêmes auteurs anonymes seraient les premiers à conspuer les malheureux qui oseraient se jeter dans la bataille, mais quoiqu’il en soit, il faut dire aussi que la marge de manœuvre est d’autant plus étroite pour ceux qui voudraient donner leur avis, que les tribunes des grands médias sont réservées aux « spécialistes ». Les discussions sont très techniques, spécifiques sur tel ou tel point de détail, ou bien elles sont égoïstes et chacun bagarre pour sa pomme, tendant à tirer la couverture si fort vers lui-même qu’à la fin elle se déchire, (comme une fable de La Fontaine).
Et puis quelle est la crédibilité socio-philosophique d’un chanteur dont on juge la valeur en fonction de l’intensité de son organe en vocalises et arpèges façon « the Voice » démonstratif ?
Les artistes? On n’en parle même pas. Quand on voit le mépris que ce gouvernement peut avoir pour les intellectuels, on comprend combien la culture est le parent pauvre de cette société dirigée par des compteurs qui ne comprennent rien aux conteurs. Car ceux qui ont refusé les classes littéraires ont un esprit souvent binaire formaté autour du fait qu’on peut / doit spéculer sur tout.
Aujourd’hui un homme politique n’est plus un idéaliste, c’est un entrepreneur qui a le talent de provoquer les médias. Aux Etats-Unis où je passe beaucoup de temps, c’est vrai,  cet entrepreneur au nom prédestiné de « Donald Trompe », a pris la posture d’un prédicateur. Capitaliste forcené, preacher athée il est aussi menteur et doctrinaire qu’un dictateur ignare. En France, la chaire politique prend une autre forme, mais l’argument revient au même. Sauf exception, la plupart des gens du pouvoir élus ne sont plus des altruistes dévoués à la cause commune, ils se battent d’abord dans leur propre intérêt, sachant qu’ils ont eux-mêmes voté les lois qui accordent à leur fonction des avantages démesurés et des privilèges indus. Comment les arguments de ces gens peuvent-ils être fiables ?
Et puis parler, pour s’adresser à qui? Qui écoute qui? Aujourd’hui l’école elle-même, cherche désespérément d’autres moyens de pénétrer la conscience de jeunes êtres intéressés par tout et rien à la fois, qui font trois choses en même temps et qui pourtant s’ennuient très vite. Pour eux, le temps n’existe plus. Tout est urgence. L’inconstance est devenue un principe quasiment une doctrine, sinon une sorte d’éthique volage. On fonctionne au caprice et rien n’a d’importance.
Les colères explosent aussi violentes, soudaines et abruptes que les commentaires sur Facebook.
La société technologique a fait évoluer la société. En France, une réforme du code du travail est bien sûr nécessaire, cependant c’est à une incapable qui ne connaît pas son dossier qu’on donne à faire cette réforme délicate qui doit rompre avec les habitudes. Alors comment s’étonner que ça énerve ceux qui s’en aperçoivent ?
À l’image des crues qui ont fait déborder la Seine ou inondé des autoroutes, c’est le drame ! L’esprit nuageux, les gens se détestent mutuellement. Chacun rend tous les autres responsables de son propre malheur.
Et puis le vent chasse les nuages.
En quelques jours ça s’évapore.
Arrive l’Euro à point nommé qui fera le lien avec les vacances estivales où chacun se dorera le bidon sur les plages en partageant allégrement des moments vides de sens.
Et voilà, c’est réglé.
Ou presque… Parce que rien n’est jamais réglé. Et ça restera enfoui, jusqu’à ce qu’un prétexte rallume le feu…

Il y a quelques jours, j’ai raté une marche ; je suis tombé dans l’escalier du métro. Mon sac a volé, mes affaires partout étalées, mais j’ai pu heureusement m’accrocher à la rampe, et cela a amorti ma chute. Comme je viens de l’écrire, rien n’est jamais fini, et cette chute a réveillé une ancienne blessure que je croyais oubliée depuis des années.
J’avais très mal à l’épaule.
Après quelques jours d’analgésiques, je me suis décidé à aller visiter un chiropracteur un peu spécial qui m’a soigné avec des ventouses. Ce n’est pas complétement réglé mais ça va quand même clairement mieux.
Du coup dimanche dernier. j’ai pu assurer un concert avec Louis Michot – Lost Bayou Ramblers invité par John Zorn à « the Stone » sur 2nd st et avenue C. (détail amusant: un an avant, jour pour jour, j’étais à quelques blocs de là pour mon concert au NUBLU…)
Hier soir je suis allé saluer Dr John dans sa loge après son concert au City Winery sur Varick Street.
Demain, je ferai quelques titres après le piano-show de Gustavo Casenave qui conclura l’opening du group show que nous faisons sur East Harlem…
Bref, contrairement à ce que certains m’ont écrit, je n’ai pas vraiment gardé le silence, et je vais continuer à faire mon bruit, d’autant que s’en vient bientôt le 21 Juin, fête de la Musique, que je vais me faire un grand plaisir de célébrer en l’amplifiant dans la sono du Summerstage en plein cœur de Central Park !

® CharlElie
NYC Juin 20XVI