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Confesse Book

132 – Paris Guten Tags

Portes, fenêtres et murs tagués. Partout des tags. Gunten Tags ! Je suis à Paris encore quelques jours, pour accompagner la sortie de LAFAYETTE. Moi qui n’y viens qu’épisodiquement, je trouve que la ville a changé, visuellement. Paris est une ville marquée au marker, bombée au rez-de-chaussée, au raz de l’Homme.
Paris est une ville de mots (on le savait), mais pas seulement des mots dits, Paris est désormais une ville de mots écrits en couleurs, d’un geste rapide, comme une salve de pigments sur tous supports. Pas des slogans ni des idées, non, juste des lettres assemblées, des lignes ou traits entremêlés, faits dans l’ hyper urgence: un pseudonyme, un nom, un prénom, un surnom. Écrire son nom. Des images non, mais des noms, oui.
Les fresques ou les peintures murales, les stencils demandent une certaine technique et un savoir-faire qu’on n’acquiert pas sans un minimum de temps, par contre on peut s’improviser tagueur en une nuit. Certains appellent ça du dessin, d’autres rangent ça dans le grand fourre-tout du Street Art & dans les Arts Urbains, mais ce n’est que rarement du lettrisme, ou du JONONE. 95% des tags sont seulement des traînées de spray, comme des cris postillonnés pour faire savoir qu’on « Existe ».
JE existe!!!
Jusque-là, bon, on va dire que c’est une forme d’expression spontanée liée à la question de la reconnaissance qui angoisse les urbains craignant de disparaître dans la masse de leurs semblables. Bon, après tout why not et parfois c’est même graphiquement intéressant… Mais voilà qu’un jour (ou peut-être une nuit ?), l’un d’entre eux, plus énervé que les autres, se met à cracher sa peinture noire sur une sonnette.
Alors là, mon neveu, ça change de niveau ! D’abord, pourquoi il fait ça ? On ne sait pas. Si ça se trouve, lui-même ne le sait pas. Pour faire le malin ? Pour faire chier ? Un caprice ? Une vengeance ? Parce qu’il était bourré, ou pour s’amuser; mais c’est pas marrant du tout sa connerie, c’est juste nase ! Ça lui a pris quoi ? Une demie seconde ? Il en coûtera bien une bonne heure à celui qui devra nettoyer. Un acte banal, tellement inutile !! Pourtant je connais des bonnes âmes qui trouveraient des excuses à ce crétin : il faut le comprendre… si ça se trouve, il n’a peut-être pas encore trouvé pas sa place dans la société, c’est un rebelle,peut-être qu’il est jeune, un révolté qui exprime sa colère contre le système. Mais quoi ? Je ne vois pas vraiment en quoi casser une vitre, un panneau Decaux, péter un abri bus ou démonter une cabine téléphonique peut guérir nos malaises. Certes, il y a beaucoup de raisons pour se mettre en colère, mais quoi ? Casser des rétros, crever des pneus, faire cramer des pneus ou des bagnoles sur les parkings, ça n’a jamais vraiment fait changer les choses. Ah si seulement ils se motivaient contre les radars… mais non, ils s’en prennent aux poubelles. L’autre nuit quand je suis rentré toutes celles de ma rue avaient été renversées…
Bon, bref. En fait ce qui me trouble, c’est plus le fait que mes amis semblent blasés, ils ferment les yeux en grommelant des trucs du genre: « Bah, y a des cons partout !! » « Faut faire avec », «Après tout il vaut mieux qu’ils s’en prennent aux choses qu’aux personnes… », « Quoi, c’est seulement du vandalisme public… » « C’est la faute de l’Etat, ces connards commettent des délits bien plus graves… »
C’est vrai, on s’habitue à tout.
À force on ne dit plus rien, et si tu t’en mêles, on te suggère de la fermer : « Écoute, tasse-toi, qu’est-ce que t’en a à foutre, c’est pas ton biz ! »
C’est vrai après tout, ça ne sert à rien, et puis de toute façon tu peux toujours appuyer sur la sonnette, personne entendra rien, vu qu’elle est peinturlurée !

® C.

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