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Confesse Book

130 – Lafayette International

Il a plu toute la nuit. Mal dormi. Ce matin, le sol est détrempé certes, mais ciel est si bleu, comment croire la météo qui annonce de gros orages pour cet après midi ? On chill, on bavarde. Ces trois jours de répétitions m’ont plus que rassuré. Je suis impatient, la set list est au point, on est chaud, à point.

À 15h, Dédé Saint-Prix, vient me visiter pour un échange de paroles spirites. Dédé Saint Prix est un des plus grands musiciens compositeur de la musique afro caribéenne, le King Sunny Adé du chouval bwa, du zouk, charanga ou kompa. Le Fela Antillais, ce grand monsieur de passage en Louisiane est aussi l’invité du festival, c’est une occasion rare de se croiser.
Le ciel s’est obscurci. Quand il s’en retourne vers la ville, les premières gouttes se mettent à tomber depuis les gros nuages pourpres. Ce sont toutes les larmes du ciel qui pleurent l’information qu’on vient de recevoir : Prince est mort. Prince Rogers Nelson a été retrouvé inconscient dans un ascenseur du Paisley Park Studio, les médecins nont pas su le réanimer. On parle de la grippe… mais comment ? Ce décès est comme toute la vie de cet homme qui restera une énigme. Un talent fou, un charme fou, un bosseur acharné, un homme d’affaire redoutable, un caractère intenable, aussi inaccessible que rempli d’humour, aussi autoritaire que passionné. Prince était un personnage, un symbole, une icône à part entière, difficilement imitable. Copié mais jamais égalé. Même Michael Jackson a semblé un temps fasciné par ce diablotin incontrôlé. Si l’un était « Beatles », l’autre était « Stones ». Mu par des ressorts qui le faisaient sortir de lui-même dans ses spectacles extravagants, il bondissait, se roulait par terre, dansait comme un faune, et sautait en l’air à nouveau pour se grandir encore. Mais quoi qu’il fît, pourtant rien ne semblait lui suffire, il était comme tous les esthètes en quête d’une absolue perfection. Seule la Musique lui permettait d’atteindre les sommets. Alors il continuait, il voulait aller plus haut, encore plus haut, plus loin, encore plus loin, jusqu’à pousser le bouchon trop loin… Mais le bouchon s’est enfoncé en même temps que son jet quand celui-ci a traversé le brouillard pour atterrir en urgence alors que Prince était au plus mal, c’était il y a quelques jours, et puis… Aujourd’hui on reste là, avec dans la tête le souvenir fantasmatique de ses propres obsessions.
Prince Rogers Nelson est remonté au sommet, au-dessus des nuages mais sans son jet cette fois, et le ciel s’est mis à pleurer.
Et puis les enfants se sont mis à chanter comme chorale de petits anges sous la direction de Zachary Richard sur la grande scène du festival international de Louisiane dont les officiels sont ensuite venus déclarer l’ouverture pour la trentième année.
Je retrouve mes amis cinéastes Benoît Cohen et Eléonore Pourriat qui ont fait le voyage spécialement depuis New York. Juste pour être là. Oh ! Amitié, quand tu nous tient !
La pluie a cessé et le ciel s’est dégagé.

Le public a commencé à affluer vers la grande scène.

« The waifs » venus d’Australie ont fait l’ouverture avant que mes musiciens et moi ne fassions le « shake hands ».

On attaque le show avec une telle énergie que l’ingénieur du son de façade « oublie » de mettre ma voix dans la sono sur la première chanson. Mais bon, ce sont les aléas du direct comme on dit. Et c’est souvent ce qui arrive quand on n’a pas l’opportunité d’avoir auprès de soi les techniciens qui connaissent le show.

Au début il manque des instruments dans le mix, mais ça s’améliore au fur et à mesure, et les gens se mettent à danser.

Le souvenir qu’on garde d’un festival est celui de la prestation dans sa globalité. En l’occurrence, notre show est un camion, un road train, comme on dit ici « laisse le bon temps roulé ».

Chacun fait sa part, Karim brillant, la section bass/bat solide, le clavier d’une main, Chris Stafford qu’on retrouvera j’en suis certain, Desiree Champagne et son washboard pétillant, Louis Michot impeccable, Zachary, le vrai pro, les cuivres qui mettent la pêche, les choristes sexy et généreuses, et même Hart le « boat pilot » du clip venu faire un tour sur « debout dans la boue ». On finit zadyco avec la chanson « Lafayette ».

Le public en redemande, (les rappels ne sont pas fréquents aux Etats Unis). On fait « demain ailleurs » et on retrouve nos esprits. Tout ceux qui sont là ont la banane. En plus on vient de recevoir quelques disques que je me fais un plaisir d’offrir aux musiciens.

Le temps d’éponger la sueur, et nous voilà pour l’after au « Blue Moon », au milieu des 200 allumés qui dansent les bras en l’air devant les « Lost Bayou Ramblers » qui, avec leur Spicy Bayou « Coonass Rock », sauraient réveiller tous les ratons-laveurs de la planète. J’ai hâte qu’on fasse quelque chose ensemble en France, une tournée parallèle eux et nous, ce serait super !
La nuit a repris ses droits. Il est deux heures du mat’. Le gros Ford Explorer me ramène au studio. Je suis le premier à rentrer mais je ne trouve pas le sommeil pour autant. Je me repasse en boucle le film de la journée…
Et puis commence à poindre dans mon champ de « choses à faire », le nouveau chalenge : Central Park le 21 Juin !

 

CharlElie
Avril 20XVI