Quand je vois ces images de « ballet dancers in everyday situations » photographiés par Jordan Matter, je pense à la danse de Matisse : comme si danser c’était ça!
Pas seulement aller en boîte et s’en mettre plein les oreilles avec des gros sons de basses qui vous font péter les tympans et des hyper beats qui augmentent les pulsations cardiaques, non pas seulement danser dans le sens tribal d’une gestuelle mimant de façon provocante l’acte d’amour, non, pas seulement le côté physique gym aérobic des mouvements difficiles en extension qui tirent grave sur les ligaments et vous épuisent en vrille,
non pas seulement ça, mais aussi une soudaine explosion comme le diable sortant de la boîte, comme un jeune chien bondissant dans les herbes hautes, ou une biche au printemps.
Toute cette énergie contenue dans les gestes sages de la vie contrôlée qui soudain se libère et vous laisse mieux après qu’avant.
Oui pour moi la danse c’est ça!
Disons quelque chose comme ça !
C’est là qu’on voit le travail de ces athlètes de l’esthétique. Quand tout d’un coup ils sont dans le monde des « autres », ils ne sont pas comme les autres, ils savent faire des choses avec leurs corps que les autres sont incappables de faire et pour cause. Il s’agit de centaines, que dis-je, de milliers d’heures de répétitions, d’ascèse, de renoncement, de recommencement, tout ça pour arriver un jour à faire ça !
Ce que font ces danseurs sur les photos est irréel dans un univers tellement réel.
Ça devient fantastique dans tous les sens du terme.
Comme un défilé de mode peut être fascinant parce qu’il est éphémère.
Ce type dans sa douche a la beauté d’un faune, tel autre est plus excitant qu’un montage photoshop, et cette fille avec ses paquets qui fait le grand écart, c’est tellement « vrai »…
Il y a à la fois du bonheur dans ces photos de Jordan Matter, de la pétulance et une jeunesse magique rarement vue ailleurs. Je veux dire que bien sûr de nombreux photographes (et parmi eux beaucoup d’excellent photographes de sport), se sont régalés ou amusés à prendre des hommes ou des femmes en train de sauter au 1000 ème de seconde, et de se régaler de les figer ainsi en l’air pour l’éternité, mais c’est différent ici, il s’agit d’une véritable complicité entre le photographe et ses danseurs de ballet. Un vrai mix, une association de genres qui fonctionne comme un de ces métissages créatifs vers lesquels notre monde se dirige irrémédiablement.
C’est tonique et nouveau. Ça fait trois fois que je les regarde et chaque image me surprend, j’adore ça!
® CharlElie.- NY – Sept 2013