Hommage à Paul Auster

Le 1er mai 2024

Hommage à Paul Auster- Extrait de mon journal « Day by Day à New York » « J’ai repris mon vélo direction le Tishman auditorium de la New School 66 west 12th où la Poetry society of America présentait une soirée de lecture de poètes français du 20th siècle. Écouter de la poésie comme on va écouter de la musique. Il s’agit ce jour-là de traductions anglaises de Pierre Reverdy, Paul Eluard, Charles Baudelaire, Blaise Cendrars, Aragon, Max Jacob, Léopold Sédar Senghor, Robert Desnos etc…

Il y a deux cents personnes environ dans la salle. Pas seulement des retraités, des poétes tatoués et des gitanes maquillées, mais aussi des gens de tous âges et beaucoup de jeunes. La moindre intonation est amplifiée par une sono précise. On est loin de la caricature des Etats-Unis. Souriant parfois, applaudissant, le public attentif se régale d’un nectar de lecture. Ils ont pour la culture Française un grand respect, voire même de l’admiration pour cette France idéalisée, figée sur le début du XX siècle, pays qui stimule leur imaginaire. La France d’aujourd’hui, ils ne la connaissent pas, du moins elle n’existe pas dans les textes qu’ils lisent.

Écouter des mots pour des mots qui rentrent par une oreille et ressortent par l’autre dans cette salle comme sous une bulle où l’on se sent bien au chaud, isolé du monde des idiots.

Assis sur l’estrade, les intervenants attendent leur tour, tenant leur feuille de lecture sur leurs genoux. Quand l’un d’eux a fini, il se lève dans le calme, un autre prend sa place au micro et commence à lire sans manière un texte, assorti ou non d’un petit commentaire personnel. Les lecteurs sont des profs, des éditeurs et des poètes ou auteurs. Alice Quinn, John Ashberry, Pierre Joris, Mary Ann Caws, Richard Howard, Ron Padgett’s,et puis il y a celui que tout le monde attend : Paul Auster.

Publié chez Acte Sud Paul Auster est une notoriété appréciée. Avant que d’y venir m’y installer ses livres ont mis dans ma tête les décors de cette ville, ce quotidien poétique aux ambiances perturbées. Ses livres ont contribué à faire que je me retrouve ici. Paul Auster s’inspire de la réalité et ses personnages sont souvent des écrivains, qui croisent des personnages complexes à la recherche de leur identité. J’ai lu sa trilogie new-yorkaise : La Cité de verre, Revenants, la Chambre dérobée et puis le fameux roman « L’Invention de la solitude », Moon Palace, La Musique du Hasard, Leviathan, La solitude du labyrinthe, Le Livre des illusions, et la nuit de l’oracle sorti en 2004. Son style moderne et décontracté, mais aussi ses dépressions et les drames sous-jacent, tout cela contribue à faire de Paul Auster un grand écrivain. J’aime son style imagé et rythmé. Peut-être que je me reconnais dans sa littérature « cinématographique », j’ai toujours en tête certaines images des films « Smoke » et « Brooklyn Boogie » sortis en 95. Non, ce n’est pas un hasard si je suis ici. Admiratif. C’est un bel homme, grand élégant, sexy comme un écrivain, avec ses cheveux ondulés gris argent. Je suis impressionné de l’entendre lire d’une voix grave et posée ce texte de Paul Valéry.

En guise de conclusion, il nous propose d’écouter la version chantée par sa fille Sophie du poème de Robert Desnos « I have dreamed of you so much », « mis en music par Michael Hearst et Joshua Camp du group One Ring Zero » précise-t-il avant de se rasseoir en nous suggérant d’applaudir sa fille Sophie, présente dans la salle. Elle se lève, elle est belle aussi. Petit sourire gêné mais fier aussi. Décidément à New York comme partout certains parents font le job …

Petite collation.

J’échange quelques mots rapides avec lui en français.

Cool et sans manière, je voudrais bien discuter un peu plus, mais Paul est très sollicité, moi je ne suis qu’un parmi d’autres. Je manque d’arguments pour le retenir quand son éditeur lui fait signe de venir. Personne ne me connaît ici…

Il fait froid, je pédale dans la ville.

Peut-être que le printemps est là sur un fond de ciel bleu, mais il n’est jamais là pour toujours. »

CharlElie COUTURE

Extrait de mon journal « Day by Day » Avril 2005